Au cours des hivers récents, l'ours brun espagnol a renoncé à hiberner, le temps doux lui assurant une provende suffisante pour passer la mauvaise saison éveillé. Cet automne, les oiseaux migrateurs européens ont retardé leur vol vers le sud, certains renonçant même carrément à aller chercher le soleil. Ça et là, des plantes refleurissent, ou bourgeonnent, sous l'effet d'une douceur trompeuse.
Une météo inhabituellement clémente - démente ? - perturbe bêtes et plantes. Les relevés sont formels : 2006 aura été la sixième année la plus chaude que le globe ait connue depuis 1861. En Europe, l'automne est considéré comme le plus chaud jamais observé depuis environ cinq siècles (Le Monde du 8 décembre).
Cette anomalie météorologique s'inscrit dans une tendance climatique dont les répercussions sur la faune et la flore sortent du registre de l'anecdote et commencent à être mesurées avec précision.
Ainsi, une étude faisant la synthèse de 125 000 observations effectuées sur la période 1971-2000, portant sur 542 espèces végétales présentes dans 21 pays d'Europe, a montré que, dans 78 % des cas, le bourgeonnement, la floraison ou la fructification survenaient plus tôt. Ces étapes étaient retardées de façon significative dans seulement 3 % des cas.
Dans cet article paru en août dans la revue Global Change Biology, une équipe internationale conduite par Annette Menzel, de l'Université technique de Munich, montrait qu'en moyenne la survenue du printemps et de l'été avait progressé de deux jours et demi par décennie depuis trente ans. En 2005, Annette Menzel avait déjà montré que les vendanges de 2003 avaient été les plus précoces depuis cinq siècles.
L'ensemble des écosystèmes doit déjà s'adapter, vaille que vaille, à ces nouvelles conditions de vie. C'est ce que révèle aussi une analyse de 866 études conduite par la biologiste Camille Parmesan (université du Texas), publiée en octobre dans l'Annual Review of Ecology, Evolution and Systematics. Un exemple ? Entre 1971 et 1995, vingt espèces d'oiseaux observées en Grande-Bretagne ont avancé la date d'éclosion de leur couvée de 8,8 jours en moyenne.
Les données manquent encore pour déterminer si la synchronisation entre les animaux et leur environnement sera suffisante pour qu'ils ne manquent pas de nourriture à des périodes cruciales. Certains sont déjà menacés, comme l'ours blanc, privé de territoire de chasse faute de glace. Le lièvre variable changera-t-il suffisamment vite de fourrure pour ne pas faire tache dans un paysage déneigé ? Pour d'autres, comme ces grenouilles d'Amérique centrale qui ont disparu, victimes de champignons dopés par la chaleur et l'humidité, il est déjà trop tard.
Source : Le Monde