Le gouvernement américain vient d'approuver la culture d'un nouveau riz génétiquement modifié qui pourrait traiter la diarrhée des bébés. Plusieurs groupes d'Europe et des États-Unis crient au riz «Frankenstein». La raison de tant d'émoi : le riz contient des protéines humaines produites dans le lait maternel.
«Ce n'est que le début», prévient Éric Darier, responsable du dossier OGM pour Greenpeace Québec. Le groupe a envoyé en mai dernier une lettre au premier ministre Stephen Harper pour lui faire part des dangers de la moléculture. Cette pratique utilise la culture des plantes à des fins pharmaceutiques ou commerciales, mais pas pour l'alimentation.
La firme de biotechnologies californienne Ventria Bioscience présente son riz comme un ingrédient potentiel dans des médicaments contre la diarrhée et la déshydratation chez les enfants. Le riz contiendrait deux protéines produites naturellement par la femme qui allaite. Et une étude a démontré que ces deux protéines sont efficaces dans le traitement de la diarrhée.
Des champs de médicaments
«On ne devrait pas utiliser les champs pour faire pousser des médicaments», affirme Bill Freese, du Centre de la sécurité alimentaire, joint hier à son bureau de Washington. Selon ce militant, Ventria joue la corde sensible du traitement des enfants malades dans les pays en voie de développement. «Il y a d'autres moyens, moins coûteux, de traiter la diarrhée des enfants, dit-il. En commençant par l'amélioration des conditions sanitaires ou la mise en place de programmes pour l'allaitement.»
Le département de l'Agriculture américain a donné une autorisation préliminaire la semaine dernière pour un projet de rizière au Kansas. Depuis, pas une journée ne passe sans qu'un groupe de pression ne diffuse un communiqué dénonçant la décision.
On est toutefois encore bien loin de retrouver ce riz sur les étagères.
Avant que le premier plant ne soit planté, le département de l'Agriculture tient une période de consultations. La population américaine peut, durant tout le mois de mars, faire connaître son point de vue sur la question. Si le Département donne ensuite le feu vert, les premières plantations se feront au début du printemps.
«Il est arrivé que des protestations arrivent à faire révoquer une décision préliminaire», indique Bill Freese, dont le groupe compte déposer un mémoire. Le Centre de la sécurité alimentaire est derrière l'actuelle campagne publicitaire contre la viande provenant d'animaux clonés.
Les groupes environnementaux craignent surtout que ce riz se retrouve, involontairement, dans la chaîne alimentaire par contamination naturelle. «Ce sont des essais qui sont faits dans des champs, à l'air libre, explique Éric Darier. On ne peut pas arrêter les insectes, les oiseaux, le vent.»
Ventria annonce ces essais à un bien mauvais moment : l'année dernière, rappelle Éric Darier, 24 cas de contamination aux OGM ont été répertoriés. Dont un dû à un riz américain qui a fait couler beaucoup d'encre.
Cinq ans après qu'on eut cessé les essais en champs, des traces du riz Bayer LL 601 ont été détectées dans des paquets en vente dans plusieurs pays. Pour consommation humaine.
Stéphanie Bérubé
La Presse