Le carnage des éléphants africains par des braconniers pour récupérer leurs défenses et alimenter une demande d'ivoire en forte hausse, surtout en Chine, menace cet animal d'extinction, estiment des experts américains dans une étude publiée lundi.
"Le problème est d'une telle gravité que ces pachydermes pourraient être en voie d'extinction si les pays occidentaux ne réitèrent pas leurs efforts pour faire appliquer la convention internationale de 1989 qui avait permis de mettre quasiment fin au marché noir de l'ivoire quatre ans après son entrée en vigueur", insistent-ils.
Le tonnage d'ivoire de contrebande saisi en 2006 laisse penser que "l'abattage des éléphants a atteint un rythme sans précédent depuis l'entrée en vigueur de cette convention", affirme Samuel Wasser, directeur du centre de préservation des espèces de l'Université de l'Etat de Washington et principal auteur de l'étude publiée dans les Annales de l'Académie nationale américaine des Sciences du 26 févier.
Pour l'année close en août 2006, les autorités ont intercepté près de 24 tonnes d'ivoire de contrebande. Mais dans la mesure où il est estimé que seulement 10% sont saisis, le tonnage total est probablement de l'ordre de 234 tonnes, relève ce scientifique.
Pour un tel volume d'ivoire, plus de 23.000 éléphants ont probablement été abattus, ce qui représente environ 5% de la population de ces animaux en Afrique (environ 500.000), précise Samuel Wasser.
L'éléphant asiatique est dans une situation beaucoup plus précaire puisqu'on en dénombre moins de 30.000.
L'intensification du braconnage des éléphants africains s'explique surtout par la croissance fulgurante de l'économie chinoise qui nourrit une forte demande pour de l'ivoire de contrebande, faisant exploser les prix et attirant le crime organisé, expliquent les auteurs de l'étude.
En 1989, l'ivoire de haute qualité se vendait pour 100 dollars le kg sur le marché noir. Ce prix a doublé en 15 ans pour atteindre 200 dollars en 2004. Mais depuis il s'est envolé, atteignant 750 dollars le kg en 2006.
"Si la mafia est responsable de cette envolée des prix, la seule façon de mettre fin à ce commerce est d'empêcher l'ivoire d'entrer sur le marché noir international", estime Samuel Wasser.
Ce scientifique et ses collègues de l'université de l'Etat de Washington (nord-ouest) travaillent en collaboration avec d'autres experts dans le monde et Interpol, l'organisation policière internationale, pour traquer les braconniers.
Au cours des années, Samuel Wasser et ses collègues ont établi un fichier génétique d'une variété de populations d'éléphants africains qui permet d'identifier l'origine des défenses saisies et de concentrer les efforts sur les régions en Afrique où le braconnage est le plus actif.
En juin 2002, les autorités de Singapour avaient saisi un conteneur provenant du Malawi avec 6,5 tonnes d'ivoire de contrebande destinées au marché extrême-oriental. Il s'agissait de la deuxième plus grosse prise depuis l'entrée en vigueur de la convention.
Les analyses des 67 défenses, sur les 532 interceptées, ont révélé qu'elles appartenaient à des éléphants de la savane africaine, et probablement d'une région en Zambie.
Les services de contrôle et de police ont pu ainsi identifier un grand nombre de braconniers responsables, mais à ce jour aucun n'a été poursuivi en justice, déplorent les auteurs de cette étude.
Source : AFP