''Au beau milieu des huit voies saturées par le trafic qui encerclent la Porte Maillot, à l'ouest de Paris, se trouve un jardin public, avec ses sentiers, ses pelouses, ses massifs d'arbustes... et ses terriers. A dix minutes à pied de l'Arc de triomphe, au coeur du carrefour le plus fréquenté de l'une des villes les plus peuplées d'Europe, vit une tribu prospère de lapins sauvages.
Ma fille et moi sommes allés les voir. Une carotte à la main, elle essayait d'attirer un grand lapin au pelage sombre lorsque le gardien du parc a fait irruption au volant d'un petit tracteur rouge. "Ne me nourrissez pas ces bestioles, a-t-il tempêté. Quelle plaie ! Ils ont été abandonnés par des crétins qui habitent dans le coin. Ils bouffent toutes mes fleurs. D'ailleurs, on va bientôt tous les flinguer." Serait-ce la fin des lapins de la Porte Maillot ?
Apparemment non. Xavier Japiot, l'homme chargé des espèces sauvages au sein de Paris-Nature, un service de la Ville de Paris, m'a affirmé que les flinguer n'était pas à l'ordre du jour. De toute façon, ils ne représentent qu'une fraction des milliers de lapins de races différentes qui ont élu domicile dans le bois de Boulogne et sur les talus herbeux du boulevard périphérique. Presque tous descendent d'animaux domestiques expulsés des appartements après s'être oubliés une fois de trop sur le tapis persan.
D'après Xavier Japiot, ces lapins gambadent de la Porte Maillot au bois de Boulogne en empruntant des chemins mystérieux. Comment des créatures aussi farouches ont-elles pu s'adapter avec tant de facilité à un milieu aussi agressif ? "Ici, ils ne croisent pas de prédateurs et ils se sentent en sécurité comme s'ils étaient sur une île, explique-t-il. L'ouïe et les signaux d'alerte ont une importance vitale pour les lapins qui vivent en liberté. Avec le bruit des voitures, ils ne peuvent pas entendre grand-chose. Alors ils utilisent d'autres moyens, par exemple en tambourinant sur le sol avec leurs pattes."
Mais ce ne sont pas les lapins qui inquiètent le plus Xavier Japiot. Selon lui, plusieurs parties du bois de Vincennes sont envahies par la progéniture d'anciennes gerbilles [petits rongeurs] domestiques. Les lacs et les bassins du bois de Vincennes, du bois de Boulogne, des Buttes-Chaumont et du parc Monceau hébergent des colonies de tortues abandonnées, dont certaines sont si féroces qu'elles dévorent parfois de jeunes canards. Dix espèces de perroquets ont été identifiées dans le ciel de Paris ces dernières années. Et, parmi les animaux abandonnés récemment dans le bois de Vincennes, on trouve un chien de prairie et un renard polaire. Il y a quelques années, on a même remarqué un couple de piranhas en train de nager dans le canal Saint-Martin ''
Source Courrier international