Le Soleil
Québec
La reproduction du béluga est compromise par l’éventuelle installation du terminal méthanier de Gros-Cacouna, au cœur d’un lieu de gestation du mammifère. Si jamais Énergie Cacouna va de l’avant, il devra se plier à plusieurs exigences pour assurer la protection du béluga, qui a un statut d’espèce en péril et fait l’objet de mesures de protection depuis 1979.
«La venue de ce nouveau projet de développement est une menace pouvant réduire encore plus l’habitat du béluga du Saint-Laurent», habitat qui s’est de plus considérablement réduit dans le passé, peut-on lire dans l’avis scientifique de la direction régionale des sciences de Pêches et Océans Canada (MPO) sur le projet. Les exigences du ministère seront établies en fonction de cet avis. Le cheptel stagne à 1000 individus depuis 20 ans.
Des travaux menés par le Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) et le fédéral ont permis de déterminer que le lieu où veut s’établir Énergie Cacouna dans le fleuve Saint-Laurent est fréquenté par les femelles en gestation ou qui viennent de mettre bas.
Durant cette période de fréquentation intensive, de la mi-juin à la mi-septembre, les scientifiques recommandent que tout travail dans l’eau soit interdit en raison du bruit. De plus, un mois avant et un mois après cette période, les travaux devraient être interrompus si un béluga se trouve dans un rayon de 1,5 km autour du lieu de construction.
Le promoteur devrait aussi respecter des contraintes liées aux périodes d’enfoncement des pieux ainsi que pour les travaux de dynamitage afin de s’assurer qu’il n’y ait pas de béluga à proximité.
Les impacts
Qui plus est, le promoteur devrait élaborer, conjointement avec les experts du MPO, un programme de suivi des impacts sur plusieurs années d’exploitation et qui couvrira la situation avant, pendant et après la construction.
Car une fois le terminal construit, on en sait très peu sur l’impact causé par l’augmentation du trafic maritime. «Il est certain que les périodes calmes et peu bruyantes de la région seront réduites», la qualité de l’habitat en sera donc affectée, soutiennent les scientifiques du MPO.
Ce n’est toutefois pas les bélugas qui risquent de souffrir le plus de la circulation de ces nouveaux navires de taille extrême, mais les grandes baleines qui fréquentent intensivement les régions les plus profondes sur la route des méthaniers en aval du site. Cette circulation «augmentera le risque de collisions, lequel constitue une source de mortalité documentée chez les grandes baleines».
Robert Michaud, le directeur du GREMM, a consacré sa vie professionnelle à l’étude du béluga. Il considère que les eaux en face de Gros-Cacouna constituent un habitat critique pour le béluga.
«On a fait des pas de géants en compréhension (chez le promoteur), mais on doit admettre le principe de précaution» pour protéger les bélugas.
Tant le gouvernement du Québec que le gouvernement du Canada ont publié un avis favorable pour la construction d’un terminal de gaz naturel à Gros-Cacouna. Toutefois, le promoteur attend toujours les autorisations de Pêches et Océans Canada, pour «perte d’habitat du poisson». Le promoteur devra compenser les dommages causés en créant un autre lieu de nature semblable pour le béluga.
L’avis de Pêches et Océans n’a pas pesé lourd dans la balance lorsque Énergie Cacouna a décidé, cet automne, de retarder son projet de 2010 à 2012, assure Andrew Pelletier, son porte-parole. «Ce sont principalement les coûts.» De 660 millions $ en 2004, le coût du projet est passé à 1 milliard $. Le consortium de TransCanada Pipelines et Petro-Canada n’a toujours pas signé de contrat d’approvisionnement en gaz naturel.
En attendant, «nous travaillons en étroite collaboration avec Pêches et Océans pour atténuer l’impact sur les bélugas». «C’est très complexe et on ne trouvera pas les solutions tout seuls», indique M. Pelletier. Ce dernier est toutefois très confiant de pouvoir créer d’autres habitats pour le béluga.
Énergie Cacouna est à revoir la conception de ses installations de façon à réduire les coûts de construction et son impact sur la faune marine. Elle envisagerait des changements majeurs, selon ce qu’a appris Le Soleil.
Pêches et Océans Canada a demandé une description écrite de ce nouveau projet afin d’évaluer si le processus d’évaluation ne devra pas être repris.