Les populations vivant autour des usines d'incinération d'ordures ménagères sont-elles plus imprégnées par les dioxines que celles qui en sont éloignées? Et si oui, pourquoi? Voici les questions soulevées par une étude de l'Institut de veille sanitaire qui dégage de ses résultats des facteurs de risques et ne lie pas directement les concentrations en dioxines dans l'organisme à la proximité des populations.
De l'incinération des déchets à l'accumulation de dioxines dans l'organisme.
Selon l'ADEME, la France a produit environ 26,1 millions de tonnes d'ordures ménagères en 2004 dont 43% sont incinérées ce qui permet, dans un premier temps, de réduire le volume et la masse de déchets puis, dans le cas des incinérateurs modernes, de valoriser l'énergie produite sous forme de chaleur et/ou d'électricité.
Pour autant, l'incinération ou traitement thermique émet des gaz qui concentrent en grande partie les polluants contenus dans les déchets qui ont été brûlés. C'est pourquoi, ceux-ci sont traités avant d'être relachés dans l'atmosphère.
Différentes réglementations se sont succédées depuis 1972 afin de diminuer au maximum les rejets de métaux lourds particulaires et de gaz. La dernière en date (20 septembre 2002), "outre les métaux lourds, les dioxines et les furannes, normalise les rejets de dioxyde d'azote et de monoxyde de carbone". De plus, depuis 1998, beaucoup d'installations anciennes ont été fermées ou mises en conformité, par conséquent, les rejets des UIOM en France ont ainsi beaucoup diminué.
Cependant, les polluants organiques persistants (POP) comme les dioxines, furannes et PCB (polychlorobiphényls : dérives chimiques chlorés) qui sont émi en très petites quantités (0,1 nm/m3 suivant la réglementation de 2002 pour les dioxines et furannes) continuent de susciter l'inquiétude des riverains malgré tous les messages rassurants des décideurs quant à l'implantation des usines d''incinération d'ordures ménagères près des habitations.
Les dioxines et les furannes sont problèmatiques car ce sont des molécules complexes qui sont toxiques pour l'Homme, qui persistent dans l'environnement, qui s'accumulent dans les tissus vivants tout au long de la chaîne alimentaire et qui sont transportés sur de longues distances. Or, l'incinération des déchets ménagers représenterait la principale source de production de dioxines d'après les données du CITEPA de 2003.
En effet, l'INVS (Institut National de Veille Sanitaire) constate :
- la persistance de certains composés chimiques émis dans l'environnement, notamment les dioxines et certains métaux lourds
- la présence ponctuelle de ces substances à des teneurs élevées dans des aliments tels que le lait de vache produit à proximité d'incinérateurs ayant émis beaucoup de dioxines
- des niveaux d'émissions encore élevés pour certains sites.
La question, récurrente, qui a été soulevée par l'INVS était donc de savoir si les riverains des UIOM étaient réellement plus exposés aux dioxines, alors que certaines études réalisées à l'étranger ont estimé que la proximité avait peu d'influence sur la présence de dioxines.
L'INVS souligne que cette nouvelle étude débutée en 2004 en collaboration avec l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), cherche à mieux connaître le rôle des comportements alimentaires sur l'imprégnation par les dioxines et notamment l'influence de la consommation de produits locaux.
L'étude et ses principaux résultats.
L'étude a porté sur 1053 adultes de février à juin 2005 qui ont formé plusieurs groupes en fonction de l'origine des produits alimentaires qu'ils consomment (près d'une UIOM ou pas) et de leur proximité avec une UIOM (plus ou moins de 20 km).
Des prélèvements sanguins, l'examen des habitudes de vie (tabagisme, activités...) et des caractéristiques personnelles sondées (corpulence...) ont permis de dégager quelques tendances sélectionnées et synthétisées ci-dessous :
- les valeurs de dioxines observées dans cette étude sont comparables à celles mesurées dans d'autres pays d'Europe pour une population non exposée professionnellement aux dioxines.
- "les personnes avec des valeurs élevées de dioxines et/ou PCB sont plus âgées et ont souvent un surpoids. Ce sont plus souvent des hommes. Une consommation de produits de la pêche plus importante que la moyenne est un élément qui semble également contribuer à ces imprégnations plus élevées, ainsi que l'activité professionnelle actuelle ou passée. La zone d'exposition ne semble pas être un facteur déterminant." (étude INVS).
- "l'âge est le facteur qui influence le plus fortement les concentrations en dioxines et PCB dans l'organisme. En effet, l'imprégnation augmente de 15% tous les 5 ans" (étude INVS)
- Les agriculteurs présentent des concentrations plus élevées de dioxines. "Cette observation n'a pas été décrite précédemment ; elle peut résulter d'habitudes alimentaires ou d'activités particulières exposant davantage aux dioxines telles que l'usage de certains pesticides, l'écobuage ou l'usage de graisses contenant autrefois des PCB et utilisées pour l'entretien des machines agricoles." (étude INVS)
- les concentrations de dioxines chez les fumeurs sont un peu plus faibles (oui faibles) que celles observées chez les non fumeurs et les exfumeurs. "L'explication actuelle repose sur la théorie selon laquelle le tabagisme favoriserait un métabolisme particulier des dioxines et donc leur excrétion" (étude INVS). Attention ! Cela ne signifie pas qu'il est bénéfique de fumer ;)
- les personnes ayant un foyer ouvert ou un poêle à bois ont une imprégnation légèrement plus importante de dioxines
- certaines activités comme le bricolage (manipulation de bois traité) ou le jardinage (utilisation d'herbicides) exposent davantage aux dioxines
Enfin, en ce qui concerne le critère géographique, l'étude n'a pas permis de mettre en évidence un lien entre la proximité d'une UIOM et l'imprégnation par seule inhalation.
Par contre, l'étude note que "la consommation de lipides de produits locaux d'origine animale et, en particulier, ceux des oeufs ou des produits laitiers, augmente l'imprégnation par les dioxines et les PCB" (ce n'est pas le cas pour les végétaux). Et qu'elle "est également observée à un degré moindre en zone non exposée."
Auteur : notre-planete.info