L'évaporation dans les zones tropicales de l'océan Atlantique joue un rôle jusqu'ici sous-estimé sur le climat d'une grande partie de la planète, notamment de l'Europe, montre une étude française à paraître jeudi dans la revue scientifique britannique Nature.
"Il existe un lien étroit entre l'hydrologie tropicale et la circulation océanique de l'Atlantique nord", qui garantit au Vieux continent ses températures douces, souligne Guillaume Leduc, paléoclimatologue au CEREGE (CNRS, Université d'Aix-Marseille III et Collège de France).
M. Leduc et ses collègues expliquent avoir étudié des échantillons de sédiments prélevés de part et d'autre de l'isthme de Panama, qui leur ont permis de retracer l'évolution de la salinité des eaux de surface dans ces deux régions océaniques au cours des 90.000 dernières années.
L'évaporation est intense en zone Caraïbe et la teneur en sel de l'eau de mer s'y accroît. Transportée par les alizés, cette vapeur d'eau retombe sous forme de pluies dans le Pacifique oriental, diluant ainsi sa salinité. Cet échange d'eau entre les deux océans porte sur des volumes tout à fait considérables: plusieurs centaines de milliers de mètres cubes par seconde.
Plus une eau est chargée en sel, plus elle tend à s'enfoncer dans les couches profondes de l'océan. Les courants marins ne peuvent donc plus évacuer vers le nord l'excès de chaleur accumulé dans les régions équatoriales, ce qui entraîne un refroidissement du climat des zones tempérées.
Les travaux de M. Leduc ont mis en évidence que les périodes d'atténuation du transfert de vapeur d'eau de l'Atlantique vers le Pacifique correspondaient à des phases de refroidissement intenses de la planète.
De surcroît, explique le scientifique à l'AFP, "dès que l'on perturbe la circulation océanique en Atlantique nord, on voit les moussons migrer vers le sud". Avec pour corollaire une augmentation des pluies dans la zone équatoriale et une réduction dans la zone tropicale. Mais aussi une accumulation d'eau douce et légère à l'embouchure de l'Amazone, qui réduit le débit du système de courants qui remonte normalement vers le nord-ouest de l'Europe.
Ces travaux devraient conduire les climatologues à revoir leurs modèles qui expliquent les ralentissements du Gulf Stream constatés dans le passé exclusivement par l'arrivée d'un excès d'eau douce aux hautes latitudes, liée à la fonte des calottes glaciaires.
Source : AFP