''La consommation mondiale d’énergie fossile (gaz, pétrole et charbon) a établi un nouveau record en 2006 avec, en équivalent pétrole, 224 millions de tonnes de plus qu’en 2005. Comme lors des trois années précédentes, c’est le charbon avec 4,5 % de croissance, correspondant à 133 Mtep (1), qui tire l’évolution de la consommation mondiale, le gaz naturel maintient sa progression régulière avec 2,5 % soit 63 Mtep, quant au pétrole, il marque une pause avec 0,74 % et 28 Mtep de plus qu’en 2005.
Au niveau de l’économie mondiale, c’est toujours la Chine qui impose un rythme élevé à la consommation énergétique. Elle représente désormais plus de 38 % de la consommation mondiale de charbon, avec une hausse de 8,7 % pour l’année 2006, soit, à elle seule, près de 72 % de la croissance mondiale. Sur les autres énergies, la Chine se situe aussi bien au-dessus de la progression générale avec des taux de 21,6 % pour le gaz naturel et de 6,7 % pour le pétrole. Cette situation particulière du géant asiatique est essentiellement la résultante de trois facteurs imbriqués :
- Le pays compte environ 1,3 milliard d’habitants, soit 20 % de la population mondiale, et depuis une dizaine d’années les chinois ont entrepris une évolution économique leur permettant de rattraper à grande vitesse les pays industrialisés ;
- Du fait d’une main d’œuvre abondante et peu coûteuse, la Chine est devenue en quelques années « l’usine du monde », transférant vers elle, une part de l’énergie nécessaire à la fabrication des biens des pays industrialisés ;
- Pour accompagner cette croissance, les besoins énergétiques du pays sont tels qu’ils nécessitent un développement ultrarapide des infrastructures de production énergétique. Ce développement s’avère être très néfaste d’un point de vue de l’efficacité énergétique, et tout produit fabriqué nécessite bien plus d’énergie que nécessaire.
Une déclaration datant de mars 2007 de Monsieur Ma Kai, ministre chinois chargé de la Commission nationale du développement et de la réforme, illustre le fait que les autorités chinoises sont conscientes de ce problème : « En représentant 15 % de la consommation de l’énergie du monde et seulement 5,5 % du Produit intérieur brut (PIB) global, la Chine doit impérativement se transformer d’une économie à haute consommation de l’énergie en une économie qui assurera un développement durable ». Cet écart entre consommation énergétique et PIB doit toutefois être un peu pondéré du fait que l’économie chinoise est plus orientée sur la production industrielle que sur les services (peu consommateurs d’énergie, ceux-ci prennent une part de plus en plus importante dans le PIB mondial).
D’un point de vue de l’évolution du changement climatique global, cette tendance confirmée de la progression des énergies fossiles est une très mauvaise nouvelle. Les consommations de gaz, pétrole et charbon sont en relation directe avec les émissions de gaz à effet de serre et notamment celles de CO2.
Pour illustration, le célèbre protocole de Kyoto avait fixé pour objectif la stabilisation des émissions de gaz à effet de serre (GES) à leurs niveaux de 1990, dite année de référence; cet objectif impliquant, entre autre, une stabilisation de la consommation des énergies fossiles sur les valeurs de 1990. Or, depuis l’année de référence de Kyoto, les combustibles fossiles ont fait un bon de 2 372 Mtep soit une progression sur la période de 33 %. A titre d’exemple, pour respecter l’objectif de Kyoto au niveau planétaire, il faudrait cesser aujourd’hui toute consommation de gaz naturel.
Autre illustration, une large partie de la communauté scientifique estime que pour limiter le réchauffement climatique à 2 degrés Celsius par rapport à l’ère préindustrielle il faudrait diviser par deux les émissions de GES par rapport à 1990, ce qui, traduit en énergie fossile, reviendrait à passer de 9 555 Mtep à 3 592 Mtep soit une diminution de 5 963 Mtep c’est-à-dire plus de 62 % par rapport aux chiffres de 2006.
Bref, plus les conférences internationales se déroulent et plus les déclarations d’intentions se multiplient, plus les énergies fossiles progressent et plus les objectifs s’éloignent. C’est sans doute une des raisons pour laquelle les objectifs linéaires de réduction des GES ont disparu des déclarations, pour laisser place à un miraculeux objectif, celui de l’année 2050. Enfin, si l’on souhaite ajouter une touche de pessimisme à l’évolution de la situation, on pourrait prendre en compte le fait que l’Inde est en train d’emboîter le pas à la Chine et que, dans très peu de temps, un deuxième géant de la consommation énergétique va entrer en piste.''
Source: Univers-Nature