ILE DE WAIGEO (AFP) - Une rivière sans nom aux confins de la Papouasie indonésienne. Immergé jusqu'à la taille, des moustiques plein les yeux, un scientifique français manipule sa perche électrique à la recherche de poissons arc-en-ciel.
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Après une énième décharge dans les doigts, Laurent Pouyaud opte pour un filet-épervier, qu'il déploie prestement sur l'eau. En deux lancers, il capture enfin des Melanotaenia, petits poissons rares et multicolores.
Ce sont les premiers spécimens d'une longue série de prélèvements sur l'île de Waigeo, dans l'archipel des Raja Ampat, au bout de la péninsule de la Vogelkop (tête d'oiseau) de la Papouasie occidentale (est de l'Indonésie).
Si ce magnifique poisson d'eau douce - très recherché en aquariophilie - est maintenu dans de bonnes conditions, sa robe peut revêtir toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, d'où son surnom de poisson arc-en-ciel.
"Les poissons arc-en-ciel que l'on trouve aujourd'hui dans le commerce sont des espèces domestiquées dont la reproduction a été maîtrisée dans les années 80 par des aquariophiles européens passionnés", explique Laurent Pouyaud, généticien à l'Institut de recherche pour le développement (IRD).
Pour découvrir de nouvelles espèces, les scientifiques de l'IRD se sont enfoncés très profondément dans les forêts primaires de la Vogelkop, en crapahutant cinq semaines: en avion de brousse, en 4X4, en pirogue et en marchant dans les rivières pendant des heures au côté des sangsues, crocodiles et serpents.
"Au total, nous avons prélevé une quinzaine d'espèces différentes de Melanotaenia, et au moins la moitié d'entre elles sont nouvelles", précise M. Pouyaud, qui est basé à Jakarta.
La Papouasie occidentale est la région la moins peuplée et la moins développée d'Indonésie.
"Pour atteindre le lac Kurumoi à partir de la ville de Sorong, via Manokwari et Bintuni, il nous a fallu un jour de ferry, deux jours et deux nuits de 4X4, des heures de pirogues, et une bonne journée de marche", calcule Emmanuel Paradis, un membre de l'expédition.
L'humidité permanente, les moustiques et autres animaux hostiles n'ont pas été les obstacles les plus inattendus. Sur une île des Raja Ampat, les chercheurs se sont retrouvés face à des gardes armés de fusils automatiques.
"Nous nous trouvions à proximité d'une ferme d'huîtres perlières, les parcs avaient été pillés deux ans auparavant lors d'une razzia et plusieurs gardes avaient été tués", relate Kadarusman, un autre scientifique de l'équipe.
Une autre fois, au coeur de la Vogelkop, les chercheurs ont été confondus avec des pillards blancs, venus par hélicoptère, qui avaient prélevé des poissons et étaient repartis sans explication, selon les habitants locaux.
"Mettez-vous à la place des Papous qui vivent misérablement au milieu de la forêt, ils font pousser laborieusement du manioc et du maïs, ils n'ont ni électricité, ni téléphone, ni télévision évidemment. Ils n'ont jamais vu un blanc ni un hélicoptère et ce dernier se pose dans leur jardin pour prendre leurs poissons; on se fâcherait pour moins que ça, non?", plaide Laurent Pouyaud.
Dans les deux cas, après de franches explications, l'équipe a pu prélever les précieux spécimens et les mettre à l'abri, car ils sont très sensibles.
"Le Melanotaenia est un poisson très résistant mais il réagit mal au stress et aux modifications de l'environnement. Nous avons d'ailleurs pu constater que certaines espèces isolées étaient menacées de disparition", souligne le chercheur.
Selon lui les arcs-en-ciel sont notamment perturbés par la déforestation, illégale ou non. Les forêts primaires de Papouasie sont souvent qualifiées de dernier eden végétal de la planète.
Source : AFP