Moins connu mais tout aussi lucratif que le trafic de drogue, le traitement des déchets industriels est devenu une énorme source de revenus pour les mafias italiennes et une bombe à retardement pour l'environnement.
"Les mafias ont commencé à s'activer sur le terrain des déchets industriels au milieu des années 80, mais la grande escalade a eu lieu dans les années 90", explique Raffaele Del Giudice, responsable de l'association environnementale Legambiente, intervenu ce week-end à Rome lors des états généraux de l'antimafia.
"Aujourd'hui, une organisation comme la Camorra (région de Naples) est tout à fait capable de proposer ses services pour l'élimination des déchets industriels, évidemment à des prix beaucoup plus bas que dans le secteur légal", ajoute-t-il, estimant à 2,5 milliards d'euros annuels le chiffre d'affaires de ce trafic.
Les enquêtes menées par les forces de l'ordre présentent souvent le même profil : des entreprises productrices de déchets qui cherchent à réduire leurs coûts, des transporteurs payés par les clans, et un site peu contrôlé pour faire disparaître les rejets.
Vidéos à l'appui -- camions déversant des boues toxiques sur des champs agricoles, carrières utilisées comme décharges abusives, incendies à ciel ouvert emportant des montagnes de déchets -- des responsables de la police ont donné l'alerte sur cette nouvelle activité mafieuse lors de la réunion de Rome.
C'est dans le sud du pays, notamment dans la région de Naples, que les déchets issus de la métallurgie, de la sidérurgie ou des dépurateurs, sont enfouis, brûlés, parfois mélangés à des engrais, aggravant les risques de contamination des sols.
"Les criminels ont beaucoup d'imagination : un de leurs derniers +trucs+ est d'entasser des centaines de pneus dans un fossé, puis de déverser des résidus chimiques ou pétrolifères, et de mettre le feu pour effacer toute trace", explique Raffaele Del Giudice.
"Le manque de contrôles sur le territoire donne un coup de main formidable aux mafias", dénonce un procureur de la région de Naples, Donato Ceglie, également chargé de mission à l'Observatoire sur les crimes environnementaux, créé en septembre dernier par le gouvernement italien.
"Ces activités peuvent avoir des conséquences dramatiques pour l'écosystème", avertit le magistrat, qui rappelle l'abattage en 2003 à Caserte, près de Naples, de 6.000 bufflonnes, dont le lait utilisé pour fabriquer la mozzarella contenait "des taux de dioxine dix fois supérieurs aux paramètres européens".
Plus inquiétant, un rapport diffusé en 2005 par l'Institut supérieur de la santé (ISS) a relevé des taux de mortalité plus élevés par rapport à la région dans les départements de Naples et Caserte, là où se concentrent les décharges abusives.
Des hausses des tumeurs et des malformations congénitales ont également été observées. L'étude a souligné que "les risques majeurs correspondent aux zones de présence des décharges et des sites d'abandon incontrôlé des déchets", mais elle n'a pas tiré de conclusion définitive.
De leur côté, les magistrats déplorent le manque d'outils législatifs pour poursuivre les suspects. Depuis l'entrée en vigueur en 2001 du délit "de trafic illégal de déchets", 52 enquêtes ont été lancées sur tout le territoire italien.
"Mais le délit d'association mafieuse n'a pas été étendu aux atteintes à l'environnement dans notre code pénal", regrette le procureur Donato Ceglie, qui ajoute : "Il faut faire vite. Notre avenir et celui de nos enfants est en jeu".
Source : AFP